La CFDT entretient depuis longtemps des liens avec les intellectuels. Parmi eux, Michel Foucault fut l'un des plus proches.
Le 26 juin 1984 s’éteint le philosophe Michel Foucault. Intellectuel majeur du XXe siècle, il est notamment reconnu pour son travail et ses travaux sur la question de l’enfermement et autour des relations entre pouvoir et connaissance. Celui qui fut très présent sur la scène médiatique fut également parmi les intellectuels ayant nourri la pensée de la CFDT et entretenu avec elle une relation privilégiée.
C’est en 1981 que se nouent les premiers contacts avec la centrale syndicale. Suite à l’instauration de la loi martiale en Pologne cette même année, Michel Foucault signe, avec Pierre Bourdieu, la pétition « Les rendez-vous manqués : après 1936 et 1956, 1981 ? » contre le refus du gouvernement de soutenir le peuple polonais et le syndicat Solidarnosc après le coup d’Etat du général Jaruzelski. Foucault connaissait bien la Pologne pour y avoir enseigné en 1958 au Centre de civilisation française, avant que ses travaux ne lui attirent l’hostilité du pouvoir communiste et ne l’obligent à partir pour l’Allemagne.
Le 13 décembre 1981, le combat des intellectuels français et de l’organisation se rejoignent. Comme le soulignera plus tard Michel Foucault dans un long échange avec Edmond Maire
« Nous nous sommes retrouvés sur ce même point [le soutien au peuple polonais] surpris seulement que ce ne soit pas arrivé plus tôt »[1]. Il faut ainsi rappeler qu’à partir des années 1970, la CFDT prend l’habitude de réunir des intellectuels, des hauts fonctionnaires ou des personnalités politiques, offrant un espace de réflexion commun sur les transformations de la société.
Extrait des statuts adoptés lors de l’assemblée générale constituante, 1982 (non coté)
Dès lors s’engage un « dialogue fécond »[2] entre l’intellectuel et la CFDT, unis dans leur soutien au peuple polonais, mais aussi dans leur proximité avec « la deuxième gauche » de Michel Rocard. Le philosophe participe à de nombreuses tables rondes et rencontres organisées par la Confédération. Président conjoint, avec René Salanne, du Comité de contrôle des fonds de soutien à Solidarnosc chargé de centraliser les dons au syndicat polonais, Michel Foucault fait également partie des membres fondateurs de l’association de soutien aux syndicalistes polonais.
L’engagement pour la Pologne n’est pas le seul lien entre Michel Foucault et la CFDT, puisqu’il s’est notamment engagé à ses côtés à une réflexion sur l’avenir de la protection sociale. De ses entretiens découle un ouvrage : Sécurité sociale : l'enjeu.[3]
Le philosophe Michel Foucault lors de la rencontre des intellectuels organisée par la CFDT
pour la Pologne du 13 octobre 1982 (CE/3/1257)
Crédit : Frédéric Pitchal/Coll. Archives CFDT
Jacques Chérèque prononçant un discours lors de l’inauguration d’une fresque sur Solidarnosc le 13 décembre 1981. Au premier rang, Michel Foucault (CE/10/10427)
Crédit : Gérald Bloncourt/Coll. Archives CFDT
Si la CFDT ne se revendique pas d’une « pensée Foucault », elle perd malgré tout un partenaire de travail majeur en juin 1984.
Un an après sa mort, la Confédération à travers l’Espace Belleville, sa toute jeune association créée pour permettre une rencontre entre le monde de l’art et le monde du travail, rend un hommage appuyé au philosophe en organisant une exposition autour de « la pensée et de la vie de Michel Foucault »[4]. A cela s’ajoutent un ouvrage ainsi qu’un colloque, « prolongement intellectuel » de l’exposition, qui permettent d’approfondir les thèmes de recherche du philosophe. Comme le rappelle la Commission exécutive de l'époque : « Les thèmes abordés ne sont pas directement utilisables par un syndicat [mais ils ouvrent] une réflexion approfondie sur certains problèmes qui nous touchent de près ».
L’affiche ci-dessous fut créée à l’occasion de cet hommage. Il s’agit d’une reproduction d’un portrait de Michel Foucault, réalisé par le peintre Orlando Pelayo[5] et conservé à la Confédération.
[Portrait pictural de Michel Foucault, autographe de Michel Foucault] / Pelayo [peintre]. –
Paris : Espace Belleville CFDT, 1985 (Libourne, Imprimerie Lis 33). (CFI/6/580)
Pour aller plus loin
· CES/34/36 : Relations entre la CFDT et les intellectuels (1985-1994)
[1] « La Pologne : et après ? Entretien avec Michel Foucault », in Le Débat n° 25 – Paris : Éditions Gallimard, mai 1983 pp. 3-34. (BZ/1/81)
[2] Déclaration d’Edmond Maire au journal Libération n°41 du 26 juin 1984.
[3]BONO Robert, BRUHNES Bernard, FOUCAULT Michel, LENOIR René, ROSANVALLON Pierre, Sécurité Sociale : l’enjeu – Paris : Syros, 1983, 142 p.
[4] « Hommage à Michel Foucault », note de la Commission exécutive du 20 mars 1985.
[5] Orlando Pelayo (1920-1990) : peintre et graveur espagnol, membre de la Nouvelle école de Paris, sa peinture tend tout d’abord vers le figuratif puis vers le non figuratif dans les années 1960, évoluant par la suite vers un expressionnisme néo-figuratif.