Plasticage de Bierville, mai 1961
Le 25/10/2018 à 11h06 par Anonyme
Résumé

Dans la nuit du 26 au 27 mai 1961, la CFTC est visée par un attentat perpétré par l’OAS (Organisation de l’armée secrète) contre son centre de formation de Bierville (Essonne).

Présentation du document

 

Une charge de plastic, posée la veille sous les fenêtres de l’amphithéâtre, explose le 27 mai. Les photographies présentés ici ont été réalisées juste après l’explosion, et montrent l’ampleur des dégâts matériels : façade noircie, vitres soufflées, plafond en partie effondré, mobilier détruit… heureusement sans faire de victime. Selon le récit publié dans Syndicalisme, « cet acte aurait pu avoir les conséquences criminelles les plus graves. En effet, quelques minutes avant, de nombreux militants CFTC se trouvaient dans la salle » pour suivre un cours[1]. Cet attentat néanmoins ne surprend pas grand-monde. Le Bureau confédéral, lors de sa séance du 12 mai, s’inquiétait déjà des risques encourus par la Confédération alors qu’en Algérie, l’appartement de son responsable Alexandre Chaulet avait déjà fait l’objet d’une tentative de plasticage. André Jeanson prophétisait une action imminente de l’OAS, à l’approche de l’anniversaire du putsch d’Alger (13 mai) et de l’ouverture des négociations de paix (20 mai)[2].

 

 

Photographie de la salle de cours ciblée par l'attentat (CE/5/1433)

Studio Rameau / Coll. Archives CFDT

 

 

Vue de la façade dont les fenêtres ont été soufflées (CE/4/2340)

Studio Rameau / Coll. Archives CFDT

 

 

Intérieur du bâtiment touché (CE/4/2341 et CE/4/2342)

Studio Rameau / Coll. Archives CFDT

 

 

Le jour même de l’attentat, la CFTC publie un communiqué, paru ensuite dans le numéro de Syndicalisme du 3 juin, où l’organisation « s’élève contre ces violences qui […] déshonorent davantage encore la cause que leurs auteurs prétendent défendre. […] La CFTC déclare qu’il est vain d’espérer, par la terreur et le crime, détourner les travailleurs de leur volonté de poursuivre leur action pour la réussite des négociations d’Evian et pour le retour à la paix dans une Algérie libre de son destin »[3].

 

 

La CFTC et la guerre d’Algérie

 

Le 19 mars 1962, le cessez-le-feu entre le gouvernement français et le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) est officiellement proclamé suite à la signature des accords d’Evian, mettant fin à un conflit de près de 10 ans. La CFTC rappelle à cette occasion son engagement contre la guerre et pour les négociations de paix. Elle affirme alors que déjà, entre 1954 et 1957, « la décolonisation de l’Algérie é[tait] inévitable », dans la foulée de « l’évolution des peuples colonisés »[4]. En réalité, alors par la voix de ses responsables, elle se prononce surtout pour une « paix négociée » et manifeste son opposition à la notion « d’Algérie française » quitte à entrer en conflit direct avec les militants CFTC basés en Algérie. Suite au putsch du 13 mai 1958, la CFTC réaffirme, dans un supplément à Syndicalisme (n° 677), « la nécessité d’une solution négociée », « [sa] volonté de barrer la route aux factieux et de défendre la liberté républicaine ». Après le congrès de 1959 qui a vu l’affrontement entre deux motions, la confédération n’hésite plus à parler « d’autodétermination », acceptant de rompre avec les syndicats d’Algérie continuant à défendre le maintien français. Ainsi, jusqu’en 1962, à diverses reprises la CFTC œuvre pour « le droit du peuple algérien à l’autodétermination »[5] : soutien à la lutte clandestine, aide aux travailleurs algériens, sessions d’information auprès des travailleurs français, manifestations conjointes avec les autres organisations syndicales, arrêts de travail… Mais les années 1961-1962 voient l’escalade de la violence en Algérie et en métropole. L’OAS, créée le 11 février 1961, prône le terrorisme à grande échelle pour la défense de l’Algérie française. Du fait de leurs positions, la CFTC et ses militants sont des cibles de l’organisation. En mai 1961, le centre de formation de Bierville est touché ; le 15 février 1962, c’est au tour de l’appartement d’Albert Detraz, membre du bureau confédéral, d’être piégé au plastic[6]. Plus grave, les assassinats de militants se multiplient en Algérie (Serge Mercier, secrétaire des cheminots CFTC, et Abdallah Lassouag notamment) et obligent la Confédération à rapatrier en métropole les militants en danger de mort[7]. La CFTC continue malgré tout son combat pour la paix, œuvrant notamment aux côtés de l’UGTA (Union générale des travailleurs algériens) et poursuivant après la déclaration d’indépendance algérienne son objectif de collaboration syndicale.

 

 

Pour aller plus loin

 

  • BRANCIARD Michel, Un syndicat dans la guerre d’Algérie, éditions Syros, collection Histoire et théorie, Paris, 1984, 325 p.
  • CP/11 : archives de François Fraudeau.
  • CH/6/1-CH/6/247 : fonds du Secrétariat confédéral. -La CFTC face à la guerre d’Algérie (1958-1961).
 

[1]Syndicalisme n°833, 10 juin 1961.

[2] Bureau confédéral, procès-verbal de la séance du 12 mai 1961 (CG/3/344).

[3]Syndicalisme n°832, 3 juin 1961.

[4] « Depuis le début du conflit, la CFTC prend position sur l’Algérie », article paru dans Syndicalisme n°871, 17 mars 1962.

[5]Syndicalisme n°871, op. cit.

[6]Syndicalisme n°868, 24 février 1962.

[7] BRANCIARD Michel, « À l’heure de l’OAS », in Un syndicat dans la guerre d’Algérie, éditions Syros, collection Histoire et théorie, Paris, 1984, pp. 251-299.

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