Le château de Bierville, situé à 50 kilomètres de Paris et à 7 kilomètres d’Étampes, a appartenu à Marc Sangnier (1873-1950), fondateur du mouvement Sillon (1894-1910) et de la Ligue française pour les auberges de jeunesse (1929), avant d'être racheté en 1950 par la CFDT.
Plan cadastral du domaine de Bierville (CFI/2/10).
Crédit : Anne Bruel
Description du document
Le document proposé ici est un plan cadastral sur calque daté du 15 juin 1922 et coté en 11 A 19. Mesurant 106 cm sur 61.5 cm, il présente une vue générale du domaine de Bierville et des possessions alentours. Le relevé est l’œuvre de l’architecte Charles Chailleux (qui est également à l’origine de la construction de l’église Sainte-Marie-des-Fontenelles à Nanterre, en 1912) et a été établi le 15 juin 1922 à la suite de l’acquisition du château par Marc Sangnier en 1921.
Ce plan fait par ailleurs partie d’un ensemble plus large de plans cadastraux, en élévation et en coupe, ayant été versés suite au décès de Marc Sangnier et à l’acquisition de son domaine par la CFTC le 12 décembre 1950. Le fonds des cartes et plans comporte également les documents inhérents aux autres possessions de Marc Sangnier, notamment celles du Boulevard Raspail, à Paris.
Ici, le document fait écho à l’acte notarié ayant été établi à la vente du domaine, afin d’authentifier l’intégralité des biens cédés. Le plan cadastral a pour objectif de repérer et d’identifier les parcelles de la propriété foncière en les délimitant graphiquement. Cela est matérialisé par une série de sections, parfois accompagnées d’un numéro parcellaire. Le code couleur utilisé assure également une bonne visibilité des différents types de biens vendus. Ici, les possessions immobilières, à savoir le château et ses dépendances, sont identifiées en rouge (on reconnaît d’ailleurs le corps principal à la matérialisation de ses quatre tours). Les zones en bleu indiquent les emplacements aquatiques : parcourant le domaine du Nord au Sud, on peut identifier la rivière Juine, traversé perpendiculairement par une « fausse rivière » artificielle ainsi que trois bassins dont deux au Nord Est du château. Enfin, les zones vertes correspondent aux possessions terriennes, non seulement autour du château, mais également dans les communes proches ; ainsi, Marc Sangnier hérite d’un parc de 12 hectares, 61 ares et 81 centiares, mais aussi de forêts au Nord au lieu-dit Les Pentes (1 hectares, 93 ares et 5 centiares), et au Sud-Est avec La Roche du Paradis (3 hectares, 77 ares et 75 centiares de sapins) et les Buis (1 hectares, 51 ares et 1 centiares).
L’acte notarié[1] permet de connaître précisément la disposition du domaine de la famille Van Loo tel que le récupère Marc Sangnier en 1921 : il est alors question d’un « principal corps de bâtiments avec deux tourelles sur chacune des deux façades principales […] comprenant : un rez-de-chaussée divisé en vestibule, galerie, grand salon, petit salon, salle de billard, grande salle à manger, petite salle à manger, chambre à coucher, cuisine, laverie et deux autres pièces. Un premier étage divisé en chambres à coucher, dont dix chambres de maître, cabinets de toilettes, salles de bains et autres cabinets, un deuxième étage composé de huit chambres, water closet et appartement non terminé. Grenier couvert en ardoises.
1° […] Cour devant le principal corps de bâtiment avec porte d’entrée grillée et petite porte à côté faisant face à l’avenue de la gare.
2° Les communs du château consistent en : une petite remise à voitures […], colombier à tourelles, logement du concierge […], écurie pour cinq chevaux, sellerie […], au fond du jardin potager, grand hangar et logement du jardinier […], lavoir en face sur la fausse rivière.
3° Les bâtiments de l’ancien moulin […]. Dans ce moulin se trouve installé un bélier fournissant l’eau distribuée dans le château.
4° Jardins d’agrément, potager et verger.
5° Parc derrière le château traversé par la rivière […] contient plusieurs avenues, allées et promenades, deux pièces d’eaux, une piscine, plusieurs sources et fontaines, ponts sur la rivière de Juine, sur la fausse rivière et sur les fossés de drainage. […] Contenance d’après le cadastre de 12 hectares, 59 ares et 81 centiares […] ».
Contexte historique
Les premières traces connues du château de Bierville remontent au XIème siècle, date à laquelle apparait, en tant que seigneur, le chevalier Lancelot de Bierville. Celui-ci dépend alors du baillage d’Etampes. Le corps principal de bâtiment, remanié au fil des siècles, ne conserve de sa structure médiévale qu’un colombier du XIVème siècle. Les plus grandes modifications ont lieu aux XVIIIème et surtout au XIXème siècle, et c’est en 1850 que le château adopte sa forme actuelle, à savoir quatre tours et dépendances encadrant une habitation sur deux étages.
La seigneurie connait plusieurs propriétaires successifs ; parmi les plus notables, on compte notamment la famille de Fuzay, qui l’occupe entre le XVIème et le milieu du XVIIIème siècle, puis, à partir de 1768, la famille de Jean-Baptiste Pailouë de Saint Mars, officier de la Marine, et dont le frère est désigné comme représentant de la noblesse d’Etampes aux États Généraux de 1789. Avec la Révolution Française et le départ de la noblesse française, le château passe aux mains de la famille Van Loo qui y reste jusqu’à 1921, date à laquelle elle vend le domaine à Marc Sangnier.
Marc Sangnier (1873-1950) est un représentant de la gauche chrétienne et le fondateur du mouvement Sillon. Il fait du domaine de Bierville un lieu de rassemblement et de diffusion de ses idéaux pacifistes. Le lieu se transforme alors : il rénove par exemple l’ancien moulin pour en faire une hôtellerie afin d’accueillir les participants à ses rassemblements de la paix et en 1922, et inaugure une chapelle en présence de l’évêque de Versailles.
Élu maire de Boissy-la-Rivière en 1925, Marc Sangnier y ouvre la première auberge de jeunesse française (L’Épi d’or) en 1929. Ainsi, il transforme durablement la commune et le domaine, qui voit passer plusieurs rassemblements de grande envergure. C'est le cas notamment en 1926, avec l’organisation du congrès mondial de la paix, où pas moins de 4500 participants de 33 pays différents se présentent au domaine de Bierville. Proche de la CFTC de l’époque, Marc Sangnier prête son château pour l’organisation de la première ENO (Ecole normale ouvrière) en 1937.
Durant la Seconde Guerre mondiale, le domaine de Bierville est réquisitionné par l’armée allemande et subit de nombreuses dégradations. Marc Sangnier, pour avoir accueilli des réfugiés allemands, autrichiens et des républicains espagnols, est arrêté en février 1944, puis relâché un mois plus tard. Affaibli par la maladie, il décède quelques années plus tard, en 1950.
Marc Sangnier ayant émis le souhait que le château soit utile au syndicalisme chrétien, c’est donc la CFTC qui se porte acquéreur du domaine de Bierville. Dès lors, celui-ci devient un centre de formation syndicale, et se transforme l’été en maison de vacances pour les familles des militants. Le congrès extraordinaire de 1964 et le passage de la CFTC à la CFDT ne change rien pour Bierville, qui demeure un centre de formation et d’accueil des militants de la Confédération CFDT.
Session de formation de jeunes responsables CFDT, château de Bierville, 1965 (CE/4/12283).
Droits réservés / Coll. Archives CFDT
Les années 1980 et 1990 sont synonymes de grands travaux de rénovation, afin de moderniser les lieux. En 1980 est lancé le projet Bierville II, qui s’accompagne de la construction des maisons 1, 2 et 3. Vient ensuite la rénovation des chambres et salles de réunion, puis en 1998 est ajoutée une véranda, tandis que des espaces de loisirs sont aménagés dans le parc de 13 hectares.
Le centre accueille encore aujourd’hui les adhérents à l’occasion de séminaires de formation ou lors de l’université d’été de la CFDT.
Pour aller plus loin
[1] Archives confédérales de la CFDT.