Un ouvrage d'entretiens entre Roger Briesch et Alain Gatti, vient de paraitre aux Editions Indola.
« J’aime les gens ». C’est ainsi que débute la préface rédigée par Nicole Notat et Jean-François Trogrlic du livre d’Alain Gatti, Roger Briesch. Syndicaliste à l’échelle du monde. C’est aussi par cette formule que ce livre termine une série d’entretiens entre Alain Gatti, historien et ancien secrétaire général de la CFDT Lorraine, et Roger Briesch, sidérurgiste lorrain, ancien militant et responsable syndical, fédéral et confédéral de la CFDT.
Première de couverture de l'ouvrage. DR.
Publié en 2024 chez Indola Éditions, cet ouvrage de 144 pages vient compléter la substantielle bibliographie de la CFDT et de ses militants, plus particulièrement en Lorraine. Citons l’ouvrage publié par Alain Gatti en 2020, CFDT Lorraine, permanence d’un combat pour les valeurs, mais aussi les travaux de Jean-Marie Conraud à l’image de Tony Trogrlic, la Lorraine dans la tête ou CFTC-CFDT, le mouvement syndical chrétien en Lorraine ou encore la biographie de Jacques Chérèque, La rage de faire. Alain Gatti s’est appuyé sur des travaux historiques d’universitaires à l’image de ceux de Claude Roccati et de Pierre Toussenot, mais aussi d’un certain nombre d’ouvrages et d’articles de presse.
Il dépeint la vie riche et intense de Roger Briesch avec un chapitrage chronologique qui reprend la série des six entretiens. On suit le parcours singulier d’un jeune mosellan, que rien ne prédestinait à la carrière menée. Né à Talange le 5 novembre 1932 dans une famille ouvrière de la sidérurgie, il termine sa carrière comme président du Conseil économique et social européen. Lui, l’enfant qui a connu la guerre et l’Occupation allemande décide bientôt d’entrer en apprentissage dans une entreprise artisanale de plomberie-zinguerie. Peu de temps après avoir été reçu au CAP, il rentre à l’UCPMI, usine sidérurgique d’Hagondange, il y fait la rencontre de Walter Païni, alors responsable de la JOC locale. La première d’une longue série de rencontres qui permettront à Roger Briesch de s’épanouir à la JOC, puis à la CFTC devenue CFDT. Devenu cadre de la CFDT sidérurgie lorraine, il est un des chefs de file de l’organisation syndicale durant le grand conflit des sidérurgistes lorrains du printemps 1967 et se bat aux côtés de Tony Trogrlic, Jacques Chérèque et d’autres pour faire entendre la voix de la CFDT, acceptant la modernisation de la sidérurgie tout en préservant la place et l’intégrité du travailleur dans les évolutions de la production. La première convention sociale pour la sidérurgie est signée le 27 juillet 1967. Quelques jours avant, une lettre signée de la main de Jacques Chérèque, mais résultat d’un travail collectif, est publiée dans Le Monde. Une certaine vision humaniste s’en dégage, qui explique aussi le choix de Roger Briesch pour la CFDT. Au cœur des années 1970, c’est la montée à la Fédération aux côtés de son frère d’armes, Jacques Chérèque. Ensemble, ils traversent une période particulière pour la CFDT, entre autogestion, avec le conflit LIP notamment (celui de 1973) où Roger Briesch s’implique au nom de la FGM-CFDT et action au niveau du syndicalisme international. L’ouvrage montre bien le rôle déterminant de Roger Briesch dans l’action internationale de la CFDT, tant au niveau fédéral que confédéral. Il montre aussi à quel point le soutien, la confiance et la présence de son entourage ont été fondamentaux, à commencer par son épouse Anne-Marie. C’est le portrait d’un militant qui perçoit la force du syndicalisme international et européen qui est brossé. Un militant qui a su nouer des relations avec les Allemands, les Italiens, mais aussi les Africains et d’autres militants issus de pays où les organisations syndicales avaient profité des formations dispensées par la CFDT. La fin de l’ouvrage est consacrée aux dernières fonctions de Roger Briesch en tant que président du Conseil économique et social européen à Bruxelles où il semble avoir été galvanisé par sa collaboration avec Jacques Delors, alors président de la Commission européenne. À ce poste, Roger Briesch met tout en œuvre pour faire valoir la présence et la parole de la société civile dans les affaires européennes.
Impossible de critiquer un livre qui retrace une vie militante aussi riche. Le seul regret, c’est finalement de ne pas avoir assez de pages à lire sur les voyages quasi-clandestins de Roger Briesch en Pologne ou au Brésil aux côtés de Lula, sur les conflits français et en particulier ceux de la sidérurgie lorraine. En définitive, voici un livre qui fera découvrir aux initiés comme aux néophytes du syndicalisme, toute une page d’histoire de la CFDT, à la fois humaniste mais surtout ancrée dans le réel, à travers l’engagement d’une vie, celle de Roger Briesch.
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Bonne lecture !
[note : le texte ci-dessus a été proposé par Pierre Toussenot, historien, auteur d'une thèse intitulée L'engagement syndical de la CFDT dans les reconversions des bassins industriels de Pompey et de Pont-à-Mousson de 1960 à 1990, sous la direction de Pascal Raggi et Etienne Thévenin, Université de Lorraine.]