Jacques Julliard est une personnalité brillante et singulière. Outre le fait d’avoir marqué la vie intellectuelle française, il a aussi durablement influencé l’histoire de la CFDT. Il a été membre du bureau national du SGEN entre 1962 et 1970, puis entre 1972 et 1977. Il était élu au bureau national confédéral CFDT (alors bureau confédéral) entre 1973 et 1976.

Crédit : Gérald Bloncourt. Coll. Archives CFDT

 " Jacques Julliard fut tout à la fois historien, responsable syndical, journaliste, éditeur et écrivain. (...) A 23 ans, alors qu’il est étudiant et engagé à l’UNEF, membre de son bureau et vice-président chargé de l’outre-mer, sa rencontre avec Paul Vignaux le fait adhérer au SGEN (Syndicat général de l’éducation nationale, affilié à la CFTC) en tant qu’élève-professeur. Dans une France en pleine Guerre d’Algérie, il est alors attiré par ce syndicat profondément engagé dans le combat pour la décolonisation et l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes. En 1961, il ressort de son service militaire en Algérie profondément marqué et antimilitariste. Sa rencontre avec Edmond Maire date de cette époque, alors qu’ils collaborent aux Cahiers Reconstruction, auprès de Paul Vignaux. Ces deux-là ne se quitteront plus intellectuellement parlant, et Jacques Julliard deviendra un proche conseiller d’Edmond Maire, sans en porter le titre - ils publieront ensemble en 1975 La CFDT aujourd’hui. Même après son départ de la CFDT, en 1976, il continuera à échanger avec lui régulièrement (...). Il commence également dans les années 1960 à écrire dans la revue Esprit, portée par des intellectuels de la gauche chrétienne proches de la CFTC.

C’est ainsi que Jacques Julliard fut, pour la CFDT, et pour Edmond Maire en particulier, un compagnon de route fidèle et constructif. Il a été de tous les moments marquants de la confédération des années 1960, 1970 et 1980, quand il n’en a pas été directement à l’initiative. Avec Reconstruction puis au SGEN, il a accompagné la déconfessionnalisation, participé au moment 68, lançant avec Frédo Krumnow et Albert Détraz le terme d’autogestion, réfléchi à l’évolution interne de la CFDT en 1969-1970 et à la réforme de ses statuts (d’ailleurs en désaccord avec Edmond Maire), marché en 1975 auprès d’Edmond Maire pour la reconnaissance des comités de soldat, et encouragé le soutien de la CFDT à Solidarnosc en 1980 face à la répression du gouvernement polonais… Il a aussi accompagné la CFDT dans sa réflexion sur sa relation avec les partis politiques et sur la pratique de l’unité d’action. Il avait notamment participé au lancement des Assises du socialisme en 1974 après avoir longtemps soutenu l’autonomie des syndicats vis-à-vis du politique. Edmond Maire, tout comme Michel Rocard, fut un régulier des déjeuners du pavillon de Bourg-la-Reine, où résidait Jacques Julliard. On peut imaginer que c’est là que ce dernier lui fit rencontrer Michel Foucault, œuvrant ainsi au rapprochement du philosophe avec la CFDT, au tournant des années 1980.

(...) Jacques Julliard a profondément marqué l’histoire de la CFDT, en tant que figure du réformisme et de la modération en politique. Il fut un des intellectuels qui incarna le mieux cette « deuxième gauche » décrite par Hervé Hamon et Patrick Rotman. (...)"