De mars à avril 1980, les nettoyeurs du métro parisien entament une grève afin de faire valoir la reconnaissance de leurs droits, notamment la revalorisation de leurs salaires.
Présentation de la grève
La grève de 1980, qui s’étale du 20 mars au 30 avril, est un évènement important qui met en lumière les conditions précaires des nettoyeurs du métro, pour la plupart immigrés. Cela a aussi été l’occasion pour la CFDT et les acteurs sociaux d’interroger le recours à la sous-traitance dans les entreprises. Ce conflit n’est pas nouveau. Déjà, en 1977, le syndicat CFDT de la RATP avait été approché par certains de ces travailleurs qui réclamaient de meilleures conditions de travail. A l’époque, les 1800 personnes chargées du nettoyage du métro parisien sont employées par six sous-traitants différents, constituant un éclatement des effectifs peu propice à la syndicalisation. Fort du soutien de la Fédération Générale des transports et de l’Equipement - FGTE-CFDT -, les nettoyeurs obtiennent la garantie d’un salaire au moins équivalent au Salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et la résolution de plusieurs conflits isolés. Ce premier grand conflit dure 32 jours. Mais la situation ne s’améliore que partiellement : la RATP, en 1980, fait encore appel à douze sociétés de nettoyage et les revendications des travailleurs sont peu audibles.
La FGTE-CFDT rappelle dans un article de Nouvelles CFDT[1] (hebdomadaire d’information interne à la CFDT) que si certains nettoyeurs ont pu se syndiquer et se faire entendre, ils restent pour une majorité victimes d’injustices : exclusions des statuts et conventions collectives des salariés de la RATP, travail dégradant et mauvaises conditions d’hygiène et de sécurité (les travailleurs interviennent sur les voies avec un courant de 750 volts en fonction), brimades, racisme latent, taux horaires importants et salaires faibles… Par ailleurs, leur statut de travailleur immigré, soumis aux cartes de séjour et de travail, les rend plus vulnérables aux restructurations et aux licenciements. Enfin, comme le souligne la FGTE-CFDT, les mauvaises conditions de travail entraînent une dégradation du service public puisque les effectifs peuvent à tout moment être réduits pour des questions de rentabilité. Les travailleurs comme les usagers sont victimes de cette politique d’emploi.
Une de la revue Le lien de la RATP n° 72, numéro spécial consacré à la grève des nettoyeurs du métro (FK/6/44)
Le 8 mars 1980, à l’appel de leur syndicat CFDT-RATP, les travailleurs chargés du nettoyage se lancent dans l’action et plusieurs lettres sont envoyées à la direction de la RATP. En l’absence de réponse, la grève générale est votée le 20 mars 1980. Lors de la première assemblée générale, le 22 mars, on compte 10 entreprises grévistes. Les 25 et 26 mars, elles sont rejointes par les travailleurs de deux autres sous-traitants. Le 29 mars, les derniers ouvriers non-grévistes arrêtent le travail. La FGTE-CFDT ainsi que l’Union régionale parisienne (URP-CFDT) et l’Union départementale CFDT de Paris apportent un soutien très actif, logistique et financier aux travailleurs. La CFDT propose dans le même temps plusieurs rencontres avec les responsables des entreprises, les représentants de la RATP et les ministres concernés, sans succès. Pendant 42 jours, cette fois, des assemblées générales se tiennent chaque matin à la Bourse du travail de Paris, pleine à craquer, où les travailleurs et les représentants syndicaux débattent de la suite à donner au mouvement. Edmond Maire, alors Secrétaire général de la CFDT, très investi dans la défense des droits des travailleurs immigrés, participe à plusieurs de ces réunions. La station Chatelet est envahie par la CFDT avec prise de parole en utilisant la sonorisation de la station. De même, le siège de la RATP, quai des grands Augustins à l’époque, est occupé un samedi après-midi. Cette grève exceptionnellement suivie oblige les pouvoirs publics à réagir. Le métro parisien n’est désormais plus entretenu et les déchets s’amoncèlent. Le recours à la force pour déloger les piquets de grèves émeut l’opinion publique qui se range du côté des grévistes.
Intervention d'Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, lors de l'assemblée générale des grévistes à la Bourse du travail, 15 avril 1980 (CE6/1980/3594)
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Intervention des représentants des grévistes et de Michel Bleuse (au centre). A l'arrière-plan sur la gauche, Jean-Pierre Bobichon, secrétaire général de l'URP-CFDT (CE6/1980/3595)
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Les responsables des différentes entreprises sous-traitantes contactent finalement le syndicat CFDT-RATP le 30 avril afin d’ouvrir les négociations. Un protocole d’accord est signé par les représentants syndicaux, les patrons des douze entreprises et le représentant de la RATP. Plusieurs avancées majeures sont obtenues :
Ainsi, la question des conditions de travail des travailleurs immigrés constitue une des préoccupations majeures de la CFDT. Au même moment, entre 1975 et 1980, elle soutient les travailleurs immigrés logés de manière indigne dans les foyers gérés, notamment par la SONACOTRA, qui ont lancé une grève des loyers.
Pour aller plus loin
[1] Nouvelles CFDT n° 15/80, 11 avril 1980.