Le rapport de recentrage de la CFDT, dit aussi « rapport Moreau », a été présenté lors du Conseil national des 26-28 janvier 1978.
Note : du fait du volume important du rapport, le document présenté ici en illustration est une version résumée. Vous pouvez accéder au rapport complet en cliquant sur les liens suivants (format PDF) :
Présentation du document
Le contexte d’écriture de ce rapport est assez particulier. Touchée de plein fouet par la crise découlant du second choc pétrolier, la France voit la période faste des Trente Glorieuses prendre fin. Le pays en subit les conséquences économiques, à savoir une croissance à l’arrêt et une hausse brutale du chômage. Le second gouvernement de Raymond Barre décide d’instaurer une politique d’austérité pour enrayer le mouvement, sans succès. À gauche, la rupture de l’Union de la gauche à l’automne 1977 rend plus qu’incertaine sa victoire aux élections législatives de mars 1978, tandis que le Parti Socialiste entame sa transformation, aboutissant à une mouvance réformatrice menée par Michel Rocard.
Schéma analytique du rapport Moreau, page 1 (CG/10/25)
C’est dans cette situation morose que la Confédération entame une réflexion sur sa place au sein de la société et sur son action revendicative. Jacques Moreau est alors responsable du secteur politique confédéral. Tout comme d’autres membres de l’entourage du Secrétaire national, Edmond Maire, sa réflexion porte sur la possible confiscation par l’idéologie politique du syndicalisme autogestionnaire. Alors que l’avenir semble incertain en ce qui concerne la mobilisation générale, il rédige un rapport de situation générale en décembre 1977 et le présente devant le Conseil national de janvier 1978. Ce texte regroupe le rapport de situation générale, auquel s’adjoignent quatre annexes se rapportant à l’évolution de la crise, au monde patronal, aux différentes stratégies politiques et syndicales à l’égard des travailleurs et enfin à la situation des travailleuses.
Schéma analytique du rapport Moreau, page 2 (CG/10/25)
Le corps central du rapport se divise en trois sous-parties : analyse du contexte de crise, projets des forces sociales pour y remédier, politique de la CFDT et évolutions à envisager.
Schéma analytique du rapport Moreau, page 3 (CG/10/25)
Le document rappelle dans un premier temps le contexte préoccupant dans lequel les travailleurs sont plongés. Comme le rappelle un article paru dans la revue Syndicalisme (12 janvier 1978), « face à une telle situation, un rassemblement fort et tenace ne peut pas se bâtir sur le mensonge, l’erreur, l’omission ». La CFDT est consciente de la situation difficile de la France et doit entamer une introspection sans concession. Pour le rapporteur, la CFDT ne doit pas trop attendre d’une victoire de la gauche, à ce moment là encore hypothétique. Certes, comme il le souligne, « la gauche est majoritaire électoralement » mais ce fait marque davantage « un rejet de la majorité actuelle qu’une adhésion au programme commun, aux thèmes, ou un soutien aux propositions de la gauche ». Ainsi, la CFDT ne doit pas tout miser sur ces élections, au risque de demeurer passive face à la crise sociale. Au contraire, celle-ci démontre le rôle essentiel que doit jouer le syndicalisme, et donc la CFDT.
Schéma analytique du rapport Moreau, page 4 (CG/10/25)
D’après ce rapport, une indépendance totale vis-à-vis des forces politiques est souhaitable, de manière à éviter toute ingérence dans l’action confédérale. Y est souligné un des principes essentiels de la démarche syndicale cédétiste, à savoir que « la négociation demeure […] le débouché naturel de l’action revendicative sur laquelle elle s’appuie ». Le rapporteur estime qu’une organisation syndicale trop « marquée » politiquement entraînerait un refus systématique de négociation de la part du gouvernement et du patronat, et donc l’impossibilité de faire entendre les revendications des travailleurs. À travers ce rapport, Jacques Moreau esquisse les principes d’une refonte de la politique confédérale, d’un « recentrage » fondé sur :
Schéma analytique du rapport Moreau, page 5 (CG/10/25)
Les instances confédérales estiment alors que le syndicalisme français est en retard par rapports aux autres organisations européennes engagées dans la construction d’un « syndicalisme de proposition ». En outre, elles demeurent persuadées qu’une unité d’action durable est possible et nécessaire : « Nous estimons qu’une unité d’action à trois [CFDT, CGT et CGT-FO] aujourd’hui, serait à la fois un élément important dans le développement de l’action collective et de la pression pour forcer le patronat et le gouvernement à négocier ».
Schéma analytique du rapport Moreau, page 6 (CG/10/25)
Ce terme de recentrage doit être entendu comme une façon de se recentrer sur l’activité syndicale, mais aussi comme un décentrage politique, moins orienté à gauche. L’organisation doit évoluer si elle veut rassembler les militants de sensibilités politiques très différentes. Comme le souligne Frank Georgi dans son ouvrage CFDT : l’identité en questions (2014), « ce retour sur soi n’est pas et ne peut pas être un retour en arrière ». La CFDT doit donc s’appuyer sur des outils déjà en place (par exemple la plate-forme de revendication mise en place en 1977) mais aussi en imaginer de nouveaux (implantation de nouvelles sections syndicales) afin de suivre « l’élaboration à tous les niveaux d’un plan de travail qui permet[te] collectivement de définir les priorités d’action ».
Le principe de recentrage est définitivement adopté au congrès de Brest, en mai 1979. Il entraîne toutefois de nombreuses discussions et l’opposition de plusieurs unions locales (notamment les Unions régionales Rhône-Alpes, Auvergne et Pays de la Loire), aboutissant à l’amendement du texte d’origine.
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