Ils ont semé nos libertés, 1984
Le 27/01/2020 à 13h42 par Anonyme
Résumé

Afin de célébrer le centenaire de la loi Waldeck-Rousseau, la CFDT commande en 1984 un ouvrage intitulé Ils ont semé nos libertés.

En 1791, la loi dite Le Chapelier (du nom du député rennais qui en fut le promoteur) interdit toute corporation et association de travailleurs. Désormais, il n’est plus possible pour les ouvriers de s’unir pour défendre leurs droits. Par la suite (en 1803) Napoléon Bonaparte interdira le droit de grève et mettra en place un livret ouvrier permettant le contrôle des horaires et des déplacements. Si les règles s’assouplissent sous le Second Empire, c’est durant la IIIème République que la libre association professionnelle se fait jour. En 1884, la loi portée par Waldeck-Rousseau abroge les textes précédents et permet la création de syndicats « ayant pour objet l’étude et la défense des intérêts économiques et industriels » et précise que ses membres « peuvent librement se concerter ». 1884 est donc une date fondamentale dans l’histoire sociale et ouvrière française.

 

Voilà pourquoi 100 ans plus tard, en 1984, sous l’impulsion d’Edmond Maire, la CFDT décide de commémorer cet évènement ; d’autant que cette année est celle de l’emménagement de la Confédération dans l’immeuble du 4, Boulevard de la Villette, où elle se trouve toujours.

 

 

Couverture du livre "Ils ont semé nos liberté", éditions Syros, 1984

 

 

Plusieurs supports sont prévus pour l’occasion. Outre une exposition et un film, un ouvrage intitulé Ils ont semé nos libertés paraît aux éditions Syros. Il retrace les grandes dates de l’histoire ouvrière illustrée par quelques 200 documents ; les textes sont de Michel Ragon et Bernard Clavel, la préface d’Edmond Maire. L’illustration choisie pour la première de couverture n’est pas anodine. Il s’agit d’une reproduction du tableau La grève au Creusot peint en 1899 par Jules Adler (1855-1952) et conservé à l’écomusée de la communauté Le Creusot/Montceau. Surnommé « le peintre des humbles », dreyfusard proche d’Émile Zola, l’œuvre d’Adler met en avant les figures du peuple : les ouvriers, les familles modestes et leur lutte pour la reconnaissance de leurs droits. Entre mai 1899 et mai 1901, une série de grèves éclatent aux usines Schneider du Creusot, mobilisant 4000 grévistes sur un site employant 9000 ouvriers. La particularité de cette grève, outre le poids de sa mobilisation et sa durée, tient à sa visibilité par le biais d’actions de rue et la présence de « militants professionnels »[1]. C’est une de ces journées qui est illustrée par le peintre : le 24 septembre 1899, les creusotins sont rejoints par les habitants des autres villes alentours, formant un cortège de plus de 7000 personnes. Leur lutte a un retentissement national ; et si l’amélioration des conditions de travail est timide, la grève permet la création d’un Syndicat des ouvriers métallurgistes et similaires, le 31 mai 1899, et à Montceau-les-Mines, le 8 juin 1899, la fondation d’une Chambre syndicale des ouvriers mineurs et similaires.[2]

 

 

Grève au Creusot, Jules Adler, huile sur toile, 1899 (tableau original)

 

 

Jules Adler met ici en valeur la dimension fraternelle et unitaire du modèle ouvrier, notamment par le biais des mains serrées et de la foule rassemblant hommes, femmes et enfants de tous âges. Surtout, la porteuse du drapeau tricolore au premier plan semble calquée sur la Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix. Un rappel aussi de la place importante occupée par les femmes dans les cortèges, alors que celles-ci étaient écartées de fait de l’action politique. Les grèves sont l’occasion pour elles d’exercer une action citoyenne. Le choix de cette peinture pour représenter les 100 ans de la loi sur la liberté syndicale n’est pas anodin. Michelle Perrot le dit elle-même, à travers ce tableau, « le calme Creusot fournit à l’imagerie de la grève une de ses représentations les plus célèbres ».[3]

 

Si vous souhaitez voir cette peinture « en vrai », nous vous conseillons la visite de l’exposition Jules Adler, peintre du peuple, qui se tient au Musée d’art et d’histoire du judaïsme (Paris) jusqu’au 23 février 2020.

 

 

Edmond Maire et Michel Ragon en dédicace lors du salon du livre à Paris le 24 mars 1984.

Crédit : Frédéric Pitchal/Coll. Archives CFDT

 

 

Pour aller plus loin


[1] On peut citer par exemple la présence de Maxence Roldes (1855-1958), futur député et militant socialiste, envoyé sur place par le Parti Socialiste Révolutionnaire afin d’haranguer les ouvriers et de prendre contacts avec les militants locaux (http://maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/spip.php?article8236)

[2] René Pierre Parize choisit dans son livre de placer la naissance du syndicalisme à ces mêmes dates : Le Creusot 1898-1900 : La naissance du syndicalisme et les mouvements sociaux à l'aube du du XIXème siècle – Le Creusot : Les nouvelles éditions du Creusot, 2009, 296 p.

[3] Pierre SESMAT, « La grève au Creusot (1899) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13 janvier 2020. URL : http://www.histoire-image.org/fr/etudes/greve-creusot-1899-0

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