Les Trente Glorieuses sont à leur apogée mais l’inquiétude pour l’emploi commence à émerger dans les secteurs industriels traditionnels. L’année 1967 connait un pic de grèves et de conflits, parfois avec des occupations d’usines. La CFDT et la CGT, qui ont conclu un accord d’unité d’action en 1966, organisent une journée nationale d’action, puis une journée de grève le 17 mai 1967. Des conflits de longue durée se déroulent tout au long de l’année : à Saint-Nazaire aux Chantiers de l’Atlantique, à la Rhodiaceta à Besançon chez Berliet à Vénissieux. En avril, les mines et la sidérurgie de Lorraine sont également en grève. Début mai 1967, le gouvernement rend publiques les ordonnances sur la Sécurité sociale qui provoquent de nombreux mouvements de mécontentement, en particulier la semaine d’action du 9 au 14 octobre.
La CFDT tient son 34e congrès au mois de novembre. Dans la résolution on peut déjà y lire sa volonté de changement : « tout en distinguant rigoureusement ses responsabilités de celles des partis politiques, le syndicalisme contribue, par sa pensée et son action, à susciter les conditions favorables à l’élaboration et à la création de structures politiques nouvelles ».
Dès le 13 mai 1968, la CFDT remet en cause la hiérarchie des pouvoirs en prônant l’accroissement du pouvoir syndical dans l’entreprise, elle demande la reconnaissance des sections syndicales d’entreprise, le libre exercice du droit de grève, le droit de discussion et d’information. Elle souhaite aussi remettre en cause la hiérarchie des salaires et obtenir un certain niveau de salaire chez les « oubliés de l’expansion » (travailleurs de zones peu industrialisés, femmes, immigrés, etc.). La CFDT exige aussi l’abrogation des ordonnances de 1967 qui ont notamment supprimé les élections à la Sécurité sociale et demande la mise en œuvre d’une véritable politique de santé. Elle demande enfin une politique du pouvoir d’achat et de plein emploi avec la réduction progressive à 40 heures de la durée du travail réelle.
Ainsi, la CFDT revendique « une plus grande démocratie à tous les niveaux, c’est à dire l’autogestion ». Au-delà de la terminologie, l’aspiration à l’émancipation exprimée par la CFDT est une constante. Le mouvement de mai ne se réduit pas à de simples revendications : c’est une « remise en cause des structures politiques, économiques et sociales de la société » voire une révolution culturelle pour Albert Détraz, membre du Bureau confédéral.
Des discussions s’ouvrent avec le patronat et le gouvernement, le 25 mai, au siège du ministère du Travail, rue de Grenelle, sous la présidence du Premier ministre Georges Pompidou. Font partie de la délégation CFDT, menée par son secrétaire général Eugène Descamps : René Bonety, Jean Maire, Paul Caspard, François Lagandré, René Mathevet.
À partir du milieu des années 1960, l’accent est mis par la CFDT sur le rôle de la section syndicale vis-à-vis de l’ensemble des travailleurs de l’entreprise. Cette mise en œuvre de la démocratie ouvrière, consultation des travailleurs sur les moyens d’action, sur les résultats des négociations ne fait pas pour autant négliger la démocratie syndicale. Mai 1968 renforce le mouvement.
Même si le constat à l’issue des discussions de Grenelle n’a pas été signé, il engage le gouvernement sur certains points et sert de base aux négociations futures : la liberté syndicale est garantie (loi du 27 décembre 1968), tout comme la protection des délégués et le droit à un local au sein même de l’entreprise. Ainsi, la loi reconnait la section syndicale, prévoit la désignation de délégués syndicaux et les moyens d’action de la section dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Par la suite, les lois Auroux confirmeront cette volonté de dialogue social, portée par la CFDT. Inscrites dans le programme du candidat Mitterrand aux élections présidentielles de 1981, elles trouvent en partie leur source dans les événements de Mai 1968. A l’automne 1981, Jean Auroux, ministre du Travail, rend public un rapport sur les droits nouveaux des travailleurs, qui constituera la trame des lois Auroux de 1982. Ce rapport puise largement dans les idées de la CFDT : droit d’expression des travailleurs, obligation de négocier dans l’entreprise. Votées en 1982, les quatre lois se concentrent sur les libertés dans l’entreprise (loi du 4 août 1982), le développement des institutions représentatives du personnel (loi du 28 octobre 1982), la négociation collective et le règlement des conflits collectifs au travail (loi du 13 novembre 1982), les comités d’hygiène, de sécurité et les conditions de travail (loi du 23 décembre 1982). Ces lois actent l’extension de la citoyenneté à la sphère de l’entreprise et les possibles initiatives individuelles et collectives dans le droit du travail.
En Mai 1968, le syndicat Renault des travailleurs de l’automobile réclame pour les travailleurs immigrés de l’usine de Billancourt, la suppression des contrats provisoires, le droit à l’alphabétisation et la fin des discriminations dans les carrières. Par la suite, la CFDT lutte pour l’accès des immigrés à la reconnaissance de leurs droits civiques et politiques. Elle demande l’ouverture des droits syndicaux dans l’entreprise pour tous les travailleurs étrangers, qu’elle obtient en 1975.
Les luttes des travailleurs immigrés se développent, souvent animées par la CFDT, aussi bien au sujet de leurs droits et de leur formation que sur leurs conditions de logement et de vie. La CFDT est ainsi engagée dans le soutien aux immigrés logés dans les foyers gérés par la Sonacotra, regroupant 70 000 travailleurs. Les conditions d’hébergement sont indignes et rudimentaires. C’est pourquoi entre 1975 et 1980, les résidents lancent une grève des loyers, soutenue par les structures locales de la CFDT.
En 1983, la CFDT accompagne symboliquement l’arrivée de la marche nationale contre le racisme et pour l’égalité des droits. Elle débouche sur la création d’une carte de séjour de dix ans renouvelable de plein droit. Cette revendication du congrès confédéral de 1973 devient un appui pour sortir de la précarité et mener l’action syndicale des salariés étrangers.
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et textes : Unité Archives/Groupe de travail "50 ans de Mai 68", mai 2018
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