Enregistrement sonore du discours de clôture du congrès extraordinaire des 6 et 7 novembre 1964
Le 08/06/2016 à 11h10 par Anonyme
Résumé

En adoptant la résolution générale par 14198 suffrages (6051 voix contre), le congrès extraordinaire de novembre 1964 consacre la naissance de la Confédération française démocratique du travail, la CFDT. Il se conclue par un discours de clôture prononcé par le président honoraire Maurice Bouladoux.

Extrait du discours de clôture de Maurice Bouladoux, CBA/1/27 (fichier à télécharger)

 

 

Présentation du document

 

Le document présenté ici est un extrait sonore du discours de Maurice Bouladoux, daté du 7 novembre 1964. Le choix d’un tel personnage pour conclure le congrès n’est pas anodin. En effet, il est un des principaux représentants du syndicalisme chrétien traditionnel et selon ses mots, « un des plus vieux syndiqués » (00’47) ; dans les années 1950-1960, il incarne la pensée du courant dit « majoritaire » (contrairement aux « minoritaires », partisans de la déconfessionnalisation). Mais lors de son élection au poste de président de la CFTC, en 1953, il prend conscience de la nécessité d’adapter les références doctrinales de la centrale à l’évolution de la société ; il apparait donc, durant son mandat, comme un partisan de l’unité et du dialogue.

 

De ce fait, Maurice Bouladoux est celui qui incarne le mieux les liens entre les mouvances internes. En transmettant symboliquement le flambeau à une nouvelle « génération », il apparait comme un gage de continuité et non de rupture avec l’ancienne confédération. Son discours traduit sa volonté d’unité, afin d’éviter toute rupture avec les militants ayant voté contre la résolution générale.

 

En expliquant que les militants, par leur vote, sont « présents au rendez-vous de l’Histoire », il démontre bien l’idée d’un tournant dans l’évolution de la confédération, tout en expliquant que celui-ci n’est possible qu’avec leur approbation « enthousiaste ». De même, il rappelle que la toute jeune CFDT est là pour continuer la mission que poursuivait déjà la CFTC, à savoir répondre à l’appel des plus démunis, et « construire une grande centrale démocratique moderne dont la classe ouvrière [française] a besoin » (3’49).

 

Par ailleurs, il insiste tout particulièrement sur le rôle à jouer des opposants à la déconfessionnalisation, avouant lui-même partager la peine de « ceux qui éprouvent l’amertume de la défaite » (4’54). Pour Maurice Bouladoux « c’est de l’amertume de la défaite d’un jour, que l’on forge les victoires du lendemain » (5’14). Il requiert leur aide dans le développement de la nouvelle confédération, dont le patrimoine chrétien doit être préservé, et non renié.

 

Au-delà de cet extrait, et en replaçant la centrale dans une perspective de solidarité, il fait passer deux messages : d’une part, l’idée d’une organisation ancrée dans son temps et en phase avec les enjeux de la mondialisation naissante ; et d’autre part, il reprend une thématique largement présente dans la réflexion d’Action catholique (dont sont issus de nombreux militants), celle d’une entraide entre les travailleurs. Il affirme ainsi, à plusieurs reprises, la volonté d’une « main tendue » vers tous les militants, quel que soit leur vote, dans une attitude de compréhension et d’ouverture, afin de mener la lutte syndicale sous un même sigle.

 

 

Une de Syndicalisme datée du 14 novembre 1964 (CF/1/10)

 

 

Contexte historique

 

Les premières réflexions sur la question de la dénomination chrétienne de la CFTC apparaissent dans les années cinquante. Ce ne sont alors que quelques rares syndicats, issus majoritairement des métaux, de la chimie et du SGEN, qui mettent en place le débat sur la déconfessionnalisation. Mais l’année 1960 est, elle, décisive : la FGM (lors du congrès confédéral) et la chimie (lors du congrès de la fédération), présentent ainsi toutes deux un rapport sur le sujet. Dans les deux cas, le débat est porté à la fois par des laïcs, gênés par la référence religieuse, trop restrictive selon eux, mais aussi par des croyants, souhaitant que les liens à l'Eglise soient séparés de leur action syndicale. C’est bien l’idée de référence à la morale chrétienne qui pose ici problème.

 

En 1961 est mise sur pied une commission pour l’étude des problèmes d’orientation, rassemblant des responsables confédéraux et fédéraux, dont Gérard Espéret, Eugène Descamps, René Décaillon et Pierre Jeanne. De leurs travaux ressortent plusieurs synthèses invitant à une réflexion approfondie sur l’évolution de la centrale. En 1963, le syndicat de la chimie de Roussillon présente une demande de révision des statuts et soumet le sigle d’UGT (Union générale des travailleurs) en remplacement de celui de la CFTC. Dans le même temps, les opposants à la déconfessionnalisation se regroupent au sein de l’AGESSIC, où se trouvent, entre autre, une grande partie des représentants des mineurs (J. Sarty) et des employés (Jacques Tessier). Cependant, lors du congrès de 1963, c’est la motion présentée par Gérard Espéret qui remporte les suffrages : celle-ci permet la poursuite des études sur les statuts, structures et stratégies de la centrale et fixe la date butoir au dernier trimestre de 1964 et la tenue d’un congrès extraordinaire.

 

La rédaction des nouveaux statuts est le fruit de 18 mois de travaux. Désormais, l’article 1, complètement refondu, désigne la Confédération comme le rassemblement de tous les travailleurs luttant « pour une société démocratique d’hommes libres et responsables ». Le reste des articles subit quant à lui peu de modifications. En conservant l’essence du texte fondateur tout en ouvrant le mouvement, les groupes de travail cherchent un consensus capable de rassembler tous les militants.

 

C’est ainsi que le congrès extraordinaire s’ouvre le 6 novembre 1964 sur un afflux record de près de 3000 participants, obligeant le déménagement en urgence du congrès depuis la salle des fête d’Issy-les-Moulineaux vers le palais des congrès de Paris. Au terme de deux jours de débats intenses, le vote vient entériner le changement de statuts et de sigles. Malgré les discours d’apaisement d’Eugène Descamps -se portant garant de « la continuité du passé dans une perspective d’avenir »- ou de Maurice Bouladoux, les opposants préfèrent quitter la salle. Ils prennent très rapidement la décision de consommer la rupture en officialisant la « CFTC maintenue ».

 

Pour aller plus loin

 

  • BRANCIARD Michel, L’histoire de la CFDT ; Soixante-dix ans d’action syndicale, Editions de la Découverte, Paris, 1990, 366 pages.
  • GEORGI Frank, L’invention de la CFDT, 1957-1970, Éditions de l’Atelier, CNRS Éditions, 1995, 651 pages.
  • CBA/1/16-CBA/16/28 : enregistrements sonores du congrès extraordinaire confédéral, 6-7 novembre 1964.
  • CH/7/19-CH/7/42 : inventaire du secrétariat confédéral.- Une centrale démocratique et laïque (1962-1970).

 

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